CinémaSociétéTélévision18 février 20240Les doléances

Plusieurs chaînes régionales de France 3 ont récemment diffusé « Les doléances », film documentaire d’Hélène Desplanques.

 À la suite du mouvement des Gilets Jaunes de 2018, le président de la République ouvrit un grand débat national. Il invita ses concitoyens (en un seul mot, précise un crieur de rue bordelais !) à formuler leurs doléances dans des cahiers ouverts en mairie. Il s’était engagé à les rendre publiques.

 Des collectifs de citoyens demandent que cet engagement soit respecté. Le film d’Hélène Desplanques suit l’un des initiateurs de ce mouvement, Fabrice Dalongeville, maire d’une commune rurale de l’Oise. De la Meuse à la Creuse et à la Gironde, il va à la rencontre de personnes qui ont écrit des doléances et d’autres, simples citoyens ou chercheurs, qui les consultent là où elles sont conservées, dans les Archives départementales. Il se rend à l’Assemblée Nationale pour convaincre les députés de déposer une résolution trans-partisane demandant la publication des doléances.

Fabrice Dalongeville

Le film montre que les cahiers de doléances constituent un véritable trésor. Écrites le plus souvent à la main, elles sont le reflet d’une réalité souvent émouvante. Une maman demande ainsi au président d’expliquer à sa fille de cinq ans pourquoi elle ne peut pas chauffer toutes les pièces de la maison, pourquoi elle n’achète pas de pain tous les jours et pourquoi elle ne pourra lui payer des grandes études..

 Pourquoi ce trésor reste-t-il inexploité ? Lors d’une projection organisée à l’Hôtel du Département de la Gironde en présence, notamment, d’Hélène Desplanques et Fabrice Dalongeville, deux raisons ont été évoquées. Le pouvoir serait si déconnecté du « sol sur lequel il marche », selon les mots d’une doléance, qu’il ne verrait en elles que des jérémiades dénuées d’intérêt. Pour d’autres, au contraire, le pouvoir aurait peur des revendication exprimées. Parmi celles qui se rencontrent le plus souvent, on relève le retour de l’impôt sur les grandes fortunes et l’obligation faite à des médecins de s’implanter dans les déserts médicaux, deux revendications inacceptables pour l’idéologie libérale dominante.

 Il y a plus. Alors que le pouvoir prétend que l’insécurité et l’immigration viennent au premier rang des préoccupations des Français, la revendication qui s’exprime le plus souvent est de pouvoir vivre dignement de son travail.

Aux archives départementales de la Gironde

Lors du débat à Bordeaux, une historienne a rappelé que les doléances ne peuvent pas être publiées sans un travail préalable d’anonymisation. Elles contiennent des quantités de données personnelles, y compris parfois des fiches de paie. Certains auteurs ne souhaiteraient pas que leurs écrits soient divulgués sous leur nom, cinq ans plus tard.

Il reste que le documentaire « Les doléances » exercera une pression bienvenue sur le président de la République pour qu’il respecte son engagement de mettre à la disposition du public des écrits qui mettent en lumière un mal-être de la société française qui perdure aujourd’hui, cinq ans après leur rédaction.

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