CinémaMonde Arabe13 décembre 20220Sous les figues

Dans « sous les figues », son premier long-métrage, la cinéaste franco-tunisienne Erige Shiri filme une journée de cueillette des figues par des travailleuses et travailleurs agricoles dans le nord-ouest de la Tunisie.

 Au petit matin, le patron passe au village ramasser les femmes et les hommes volontaires pour la récolte. Ils s’entassent debout sur la plateforme du pick-up. Sur place, les anciens donnent les consignes aux nouveaux venus : ne cueillir que les figues mûres, ne pas casser de branches, ne manger que les figues que le patron veut bien donner.

 Les femmes plus âgées sont employées à trier le produit de la récolte et à le disposer délicatement sur les cagettes destinées à la vente. Les jeunes, presque toutes des femmes, se dispersent dans le verger, grimpent sur les troncs, accrochent les branches, cueillent les fruits – en réalité les fleurs, s’agissant de figues.

Le patron est redouté. Il débusque les fainéants, dispose parmi les travailleuses d’une informatrice dûment rémunérée pour dénoncer les auteurs de larcins. Il n’hésite pas à « cueillir des filles comme si elles étaient des fruits », dit la réalisatrice.

 Au fil des heures, on se raconte, on drague, on rêve sa vie plus tard : une vie d’épouse d’un homme que l’on façonnera pour qu’il devienne idéal, ou bien une vie de femme libérée de la servitude. La figue, dit Erige Siri, « est un fruit très sensuel, fragile, mais aux feuilles robustes. Comme les personnages du film. Les figuiers sont de très beaux arbres. L’été, il fait vraiment chaud dans cette région, et l’on peut se cacher dessous : ils offrent un abri, un répit. Ils nous enveloppent mais nous étouffent aussi un peu (…) Je souhaitais construire visuellement l’idée que ces filles sont également étouffées dans leurs vies forcément étriquées par manque d’opportunités et dans un environnement familial conservateur. »

 À la fin de la journée, le patron procède à la paie : 60 dinars tunisiens, soit 18€ pour une semaine de travail. Pourtant, c’est en chantant que, debout sur la plateforme du pick-up, les filles rentrent chez elles.  Joué par des comédiens tous amateurs, « Sous les figues » est un beau film, doux-amer, mais pas triste.

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