« Envolée », d’Hélène Machelon (Mame, 2021) est le récit bouleversant de la perte d’un enfant.
En 2004, Rose n’a pas encore un an, mais déjà des mois passés à l’hôpital Necker, celui des enfants malades. Une maladie génétique la prive de défenses immunitaires. Une greffe de la moëlle osseuse de sa maman a fait espérer la guérison, mais aujourd’hui, la pédiatre annonce « Rose ne sera pas sauvée. Nous avons fait tout ce que nous pouvions. Il est temps de la laisser partir. »
Hélène et Gilles consentent à ce que le respirateur soit débranché. Le livre d’Hélène raconte les heures et les jours qui suivent : les regards évités des autres parents, le certificat de décès, la toilette mortuaire, les funérailles, l’inhumation de la petite avec, jetée dans la fosse, une poignée de feutres et de pastels pour qu’elle ne s’ennuie pas.
Le livre suit le cheminement du corps de Rose, du service de réanimation au cimetière. La pédiatre, la clown venue faire rire les enfants, la peau-de-vache chargée d’enregistrer les décès, l’aumônier, une vieille tante racontent. En contrepoint, Hélène raconte aussi. « Ma petite fille est morte ce matin. Avoir des enfants, c’est risquer de les perdre. »
La plupart des témoins ont été, eux-aussi, confrontés à la mort d’un être jeune ou à la stérilité. Le témoignage de l’employée aux certificats de décès est poignant : « Nous avons la vie chagrine que nous méritons. J’attends ma mesquine retraite comme on attend le train de banlieue sur le quai. »
« Le vide que Rose nous a laissé est abyssal, écrit Hélène (…) Nous sommes de tout jeunes mariés vieux de cent ans (…) Je suis une mère virtuelle, fictive et parfaitement inutile. Je ne comprends pas ce qui nous arrive, ni pourquoi. »
Le couple qu’elle forme avec Gilles est ébranlé. « Il est muré. Il est je ne sais où. Nous sommes ensemble mais dans deux mondes parallèles, ici mais ailleurs. Ensemble et seuls dans un huis clos de souffrance. »
Avec le temps, pourtant, Rose n’est plus seulement l’absente. Elle accompagne ses parents dans la vie, avec son regard bleu lumineux. « Tout ce que je sais du combat, je le tiens de toi, écrit Hélène. Souviens-toi, nous vivions chaque journée comme la dernière, pleine et entière. »
« Tu n’auras pas peur, je te le promets. Repose-toi, mon enfant, tu l’as bien mérité. »