EconomieSociété7 août 20110Un marché dérivé de la dot ?

Dans le blog de l’Association Nationale des Directeurs Financiers et Contrôleurs de Gestion, DFCG, le rédacteur en chef du blog François Meunier se penche sur les conséquences financières de la distorsion du sex-ratio à la naissance dans de nombreux pays qui encouragent systématiquement des naissances de garçons au détriment des filles. Dans cet article intitulé « le prix de ces dames », il se prête à une amusante fiction financière, imaginant un marché dérivé construit sur les distorsions du sex-ratio.

Le sex-ratio à la naissance (SRN) mesure le rapport entre le nombre de garçons et celui des filles à la naissance. On sait que la préférence pour les garçons s’accroît dans beaucoup de pays. François Meunier indique ainsi que « Le SRN, qui se situe naturellement à 105, est monté par exemple à 112 au Vietnam, qui suit désormais l’exemple de l’Inde et de la Chine. Dans certaines régions de Chine, il atteint 130, et même 190 pour le second enfant dans les villages où il est permis d’avoir un second enfant et quand le premier enfant est une fille.

La sociologie – et aussi la finance – rentrent en jeu dès qu’on se pose la question : que va-t-il se passer dans 20 ou 25 ans, quand le manque de filles perturbera ce que les économistes, avec leur froideur habituelle, appellent le « marché matrimonial » ? Cela s’est déjà passé dans l’histoire, mais à l’inverse, lorsqu’une guerre importante provoquait une hémorragie de jeunes hommes (…) »

L’auteur évoque l’aspect financier du marché matrimonial, qui se concrétise dans la dot. En Asie (et anciennement en Europe), la dot est la somme que la famille de la fiancée verse a la famille du mari ; en Afrique et dans les pays musulmans, c’est au contraire le prix que l’on paye pour obtenir l’épouse.  « Les variations du SRN ne sont pas neutres sur le niveau des dots. Une hausse du SRN, provoquant à terme une pénurie d’épouses, accroît le prix de la dot (à l’africaine) et réduit le prix de la dot (à l’asiatique). Depuis peu, c’est ce qui advient en Inde. Le raisonnement économique marche ! On note aussi qu’y apparaissent, simultanément à des dots versées par la famille de l’épouse, des contre-dots pour paiement de la fiancée. De même, les hommes paient souvent très cher la venue d’épouses de pays étrangers, d’où la cote des femmes d’Europe de l’Est dans des pays comme la Chine ou même l’Inde. »

C’est ici que François Meunier introduit une fiction financière. Une petite incidente financière : un marché financier sophistiqué de la dot permettrait de réguler ce cycle et dans certains cas de stabiliser le SRN à son niveau naturel de 105. Imaginez en effet qu’on puisse acheter et vendre à terme la dot sur un marché à terme. Si on peut anticiper que dans 20 ans la dot (à l’africaine) va monter par manque de filles ou abondance de garçons, il est intéressant de l’acheter sur le marché à terme. La hausse de prix signale à certains couples qu’il est intéressant de se remettre à faire des filles ; elle indique aussi à certains spéculateurs menacés de livrer à terme le « physique » qu’il faut par anticipation se procurer des filles (ou shorter les garçons). En cas de hausse du SRN, beaucoup de parents achèteront non pas leur future belle-fille à l’âge d’enfant pour sécuriser le mariage de leur fils – cela ne se fait plus trop aujourd’hui, sauf en terre musulmane –, mais un contrat à terme, pour couvrir l’inflation des dots quand leur fils cherchera une épouse. À l’équilibre, s’il n’y a pas de bulles, la spéculation est stabilisante et le taux de naissance se situe à l’équilibre démographique naturel.

Le stimulant article de François Meunier se trouve à l’adresse suivante : http://dfcg-blog.org/2011/07/29/le-prix-de-ces-dames/. Illustration : Chris Ofili, No Woman No Cry.

Commenter cet article

Votre email ne sera pas publié.