LivresMonde Arabe24 février 20171Amours nomades

« Amours nomades » (Gallimard 2003 et 2008) est un recueil de nouvelles écrites par Isabelle Eberhardt probablement entre 1900 et 1904.

Isabelle Eberhardt (1877 – 1904) fut un personnage hors du commun. D’origine russe, elle naquit et grandit à Genève dans une famille compliquée. Elle se glissa dans de nombreuses identités et aima se déguiser, principalement en homme. Elle tomba souvent passionnément amoureuse.

Adolescente et jeune adulte, elle se passionna pour le monde arabe, en apprit la langue et se convertit à l’islam. Elle mourut à l’âge de 27 ans à Aïn Sefra, en Algérie, dans les ruines de sa maison dévastée par une inondation.

Isabelle Eberhardt

Ce qui frappe dans ses nouvelles, c’est l’amour pour la terre d’Afrique du Nord. « Tous les matins, à l’heure où le soleil se levait, je venais m’asseoir sous le porche de la zaouïa Sidi Abd el Rahman, à Alger. J’entrais, mon déguisement aidant, dans la sainte zaouïa à l’heure de la prière. Chose étrange ! j’ai ressenti là, à l’ombre antique de cette mosquée sainte de l’islam, des émotions ineffables au son de la voix haute et forte de l’imam psalmodiant ces vieilles paroles de la foi musulmane en cette langue arabe, sonore et virile, musicale et puissante, comme le vent du désert où elle est née, d’où elle est venue, sous l’impulsion d’une seule volonté humaine, conquérir la moitié de l’univers. »

« Amours nomades » est peuplé de désirs semblables à un volcan « bouillonnant avec une violence terrible, emportant dans les torrents de sa lave brûlante les hommes et les femmes ».

Si Abella, commerçant de Tunis, rencontre la belle Melika. « Dans une chambre tapissée de faïence dont un léger rideau fermait la porte, Si Abella goûta une ivresse inconnue, en gamme ascendante dans l’intensité inouïe de la sensation allant jusqu’à l’apothéose. Au réveil, quand la lumière joyeuse du matin pénètre dans l’ombre tiède, Si Abella eut la conscience très nette d’être devenu un autre. »

La médina de Tunis

 

Mais les conventions sociales rendent souvent impossibles les amours brûlantes. Forcée de se marier à un homme qu’elle n’aimait pas, Taalith demande, la veille du jour où devaient commencer les fêtes nuptiales, qu’on la vête de sa parure de mariée.

« Dans un coin, un vieux puits maure sommeillait, abîme étroit et sans fond. Elle se pencha un instant, elle apparut ainsi, toute droite dans la gloire lunaire, comme une idole argentée. Elle ferma les yeux, un murmure pieux d’Islam remua ses lèvres, et elle se laissa tomber, dans l’ombre d’en-dessous, avec un frôlement de soie, un cliquetis de bijoux. Un choc mat, un clapotis lointain : l’eau noire, le monstre, léchait les parois gluantes… Puis tout se tut. »

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