Il y a moins de trois ans, la dictature de Mouammar Kadhafi était abattue. Le chaos règne actuellement sur ce pays, en proie à la guerre civile. Le « droit d’ingérence », à l’origine de l’intervention étrangère, doit être sérieusement repensé.
La situation en Libye est catastrophique : désintégration de l’Etat, guerre entre milices rivales, assassinat de personnalités de la société civile, effondrement de la production de pétrole entraînant la perte de milliards de dollars de revenus, exode massif de citoyens vers des pays voisins, en particulier la Tunisie…
Pourtant, l’intervention militaire, menée par la France et la Grande Bretagne avec le soutien logistique des Etats-Unis avait été autorisé par l’ONU le 17 mars 2011 « pour protéger les populations ». Au regard du droit international, elle était donc légitime. En septembre 2011, Nicolas Sarkozy et David Cameron furent fêtés en libérateurs à Tripoli. La position du président français était inconfortable : il avait reçu en grande pompe Kadhafi à Paris peu après son entrée à l’Elysée, avant de se retourner contre lui. Mais une nouvelle ère de paix et de prospérité semblait s’ouvrir pour le peuple libyen, grâce à l’ingérence étrangère.
La désagrégation de la Libye a mis le feu à toute la région. Les énormes stocks d’armes du régime de Kadhafi ont été accaparés par des groupes armés qui les utilisent notamment dans le nord du Mali. La Libye de Kadhafi représentait une menace pour la paix. Cette menace a été disséminée dans une région plus vaste. Elle avait un visage, celle d’un dictateur ; elle est aujourd’hui anonyme, dispersée dans des dizaines de groupes fluides, mobiles, mal connus par les services de renseignement.
L’exercice du droit d’ingérence n’entraîne pas toujours une catastrophe. En 2011, la même année que l’intervention en Lybie, l’ONU autorisait une intervention en Côte d’Ivoire qui, à ce jour, semble avoir rétabli la paix civile. Mais le cas libyen, comme auparavant ceux d’Irak (invasion sans légitimité internationale) et d’Afghanistan (autorisée par l’ONU), montre qu’une intervention étrangère provoque de profonds déséquilibres susceptibles d’entraîner des problèmes humanitaires et sécuritaires plus graves que ceux qu’elle était censée empêcher.
Avant de s’ingérer dans les affaires d’un pays, même dirigé par une atroce dictature, il ne suffit pas de s’assurer de l’accord de la communauté internationale. Il faut disposer d’une alternative politique crédible au régime que l’on met à bas. Si l’après-ingérence n’est pas correctement gérée, le désordre se propage, dans le pays et dans sa région. Le remède aura été pire que le mal.
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Cazes
31 juillet 2014 at 17h39
Bien d’accord avec toi. Et en tirant ce fil, on peut se demander la validité de forces françaises pré-stationnées à l’étranger. D’autant qu’il devient très difficile de critiquer un état « impérialiste » (exemple : la Russie) quand on a soi-même une politique « impérialiste » (exemple : la France en RCA).