JusticeTélévision13 juillet 20232Mitard, l’angle mort de la prison

Arte TV a récemment diffusé « Mitard, l’angle mort de la prison », documentaire de Vincent Marcel et Laurence Delleur.

 Les caméras de surveillance placées à l’intérieur des prisons ont des « angles morts », c’est-à-dire des espaces non couverts. Les cellules font partie de ces espaces, par respect pour la vie privée des personnes détenues. C’est aussi le cas des cellules du quartier disciplinaire, le « mitard », la prison dans la prison où sont enfermés, jusqu’à trente jours, des détenus qui ont enfreint les règles de la détention.

Le 27 mai 2019, Amara Fofana mourut au quartier disciplinaire de la prison de Réau, en Seine et Marne. Il y avait été placé à la suite d’une altercation avec une surveillante qui, ne le voyant pas sur la liste, lui avait refusé l’accès à la salle de musique. Officiellement, il s’était pendu.

Son frère Mahamadou n’avait jamais cru à la version officielle. Avec l’aide de l’Observatoire International des Prisons, il porta plainte contre l’administration pénitentiaire. Celle-ci remit des enregistrements vidéo où l’on voit un groupe de surveillants escorter Amara manu militari jusqu’à la cellule et y pénétrer. Manquent ensuite 24 minutes d’enregistrement jusqu’à des images montrant des surveillants évacuer le corps d’Amara.

Que s’est-il passé ? Le mitard est un angle mort. Les pires violences peuvent s’y dérouler à l’abri des regards. Les images sont systématiquement conservées 48 heures. C’est l’administration qui décide si elles seront archivées ou détruites. Dans le cas de la mort d’Amara, un long moment a certainement été effacé. Par inadvertance ? Sciemment ?

La prison est, structurellement, un lieu de violence. C’est faire violence à quelqu’un que de le priver de liberté. Les agressions entre détenus sont fréquentes. Celles de surveillants contre des détenus existent aussi, malheureusement. Le mitard est un lieu qui ajoute contrainte sur contrainte. L’ombre qui le recouvre est propice à tous les abus.

Mahamadou Fofara a associé à son combat le Sénateur Guy Benarroche. Après avoir visité Réau et son mitard, ce dernier a interpellé le ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti dans le cadre des questions au Gouvernement. Celui-ci s’est engagé, à la demande du Sénateur, à fournir des statistiques détaillées sur les séjours au mitard. Elles ne sont pas encore disponibles. Elles permettraient du moins de quantifier une réalité qu’un angle mort ne nous permet pas de regarder.