Bright Star

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Le film Bright Star de Jane Campion met en scène l’histoire d’amour du poète romantique John Keates avec sa voisine Fanny Brawne. Sur le navire qui l’emmenait vers Rome, où il devait se soigner de la tuberculose et en mourut, Keates écrivit ce poème pour Fanny.

Bright star, would I were stedfast as thou art

Not in lone splendour hung aloft the night / And watching, with eternal lids apart, / Like nature’s patient, sleepless Eremite, / The moving waters at their priestlike task / Of pure ablution round earth’s human shores, / Or gazing on the new soft-fallen mask / Of snow upon the mountains and the moors

No

Yet still stedfast, still unchangeable, / Pillow’d upon my fair love’s ripening breast,/ To feel for ever its soft fall and swell, / Awake for ever in a sweet unrest, / Still, still to hear her tender-taken breath,/ And so live ever

Or else swoon to death.

Brillante étoile, je voudrais être aussi inébranlable que toi

Non pas suspendu dans la splendeur solitaire en haut de la nuit / A regarder, les paupières éternellement ouvertes, / Le eaux changeantes dans leur fonction sacerdotale de purification des rivages de la terre / ou à observer le masque léger de la neige / tombant sur les montagnes et les landes

Non

Mais encore inébranlable, encore inaltérable / La tête sur la poitrine mûre de mon cher amour comme sur un oreiller /Pour sentir pour toujours son doux flux et reflux / Eveillé pour toujours dans une douce insomnie / Entendre encore, encore, sa respiration pleine de tendresse / et vivre ainsi pour toujours

Ou bien me pâmer à en mourir.

(Photo : Bright Star de Jane Campion)

Deneuve, « Je veux voir »

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TV5 Europe vient de diffuser le film « Je veux voir » dans lequel Catherine Deneuve joue son propre rôle de spectatrice du Liban en ruine.

En visite au Liban en 2007 à l’occasion d’un gala, Catherine Deneuve demande à voir les séquelles des guerres, y compris celle déclenchée par Israël l’année précédente. Son voyage d’une journée à Beyrouth et dans le sud libanais est l’objet du film de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, « Je veux voir », de 2008.

Les fonctionnaires de l’Ambassade de France déconseillent ce périple : l’otage Deneuve n’aurait pas de prix ! Mais on ne résiste pas à une Diva. Voici Catherine passagère d’une voiture conduite par Rabih Mroué, une star du cinéma libanais et  escortée par une équipe de tournage et des gardes du corps.

L’expérience est traumatisante. Dans la banlieue de Beyrouth, l’équipe se voit interdire de filmer les immeubles détruits, mais il est difficile de comprendre par qui : par des habitants du quartier ? Par des autorités, de droit ou de fait ?

Rabih s’arrête dans le village du Sud Liban où il a passé son enfance. A son désespoir, il ne retrouve pas, parmi les ruines, la maison familiale. Le village est peuplé, mais nul ne vient lui parler et lui proposer de l’aide : hostilité de la population à l’égard d’intrus « voyeurs » ? Isolement par les autorités, françaises ou locales ? Nous ne le saurons pas davantage.

Le périple s’achève à la frontière avec Israël. Des chasseurs bombardiers passent à basse altitude à la vitesse du son et leur double bang est terrifiant. Rabih se trompe de route et s’engage dans un chemin non sécurisé. Par crainte des mines, les gardes du corps font irruption et bloquent le véhicule. Au poste frontière, d’interminables négociations s’engagent entre la force d’interposition de l’ONU et l’armée israélienne sur ce qu’il sera possible de filmer ou non.

Aux abords de Beyrouth, la voiture avance lentement le long d’un immense chantier en bord de mer où l’on sépare les gravas des immeubles détruits des armatures métalliques. Celles-ci sont récupérées, ceux-là sont rejetés à la mer. Une musique lancinante diffuse un intense sentiment d’absurdité.

Pendant tout le voyage, Catherine et Rabih échangent quelques regards et des paroles d’une affligeante banalité. Catherine parle plusieurs fois de la ceinture de sécurité, minuscule point d’ancrage dans le chaos. Catherine n’a rien de Deneuve. C’est une femme vieillie, effarée par ce qu’elle voit. Son regard dénote l’effroi, l’incrédulité et le dégoût. Mais c’est elle qui a voulu voir et elle se tient à cette résolution, courageusement.

(Affiche du film « Je veux voir »)

Away we go

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 Le film « Away we go » de Sam Mendes a été généralement fraîchement accueilli par les critiques, qui l’ont trouvé fade en comparaison des Noces Rebelles. Mais en raison de son optimisme et de sa bienveillance, il constitue un excellent divertissement pour la période des fêtes.

Burt et Verona sont des intellectuels quelque peu marginaux, « altermondialistes » dit la féroce critique de Télérama. Ils vivent dans une maison isolée et passablement délabrée près de chez les parents de Burt. Lorsqu’ils leur annoncent qu’ils vont avoir la joie d’être grands parents, c’est la douche froide : ceux-ci se préparent en effet à partir pour deux ans en Europe.

De Phoenix à Madison et de Montréal à Miami, de famille en amis, Burt et Verona se mettent à la recherche d’une communauté de vie où ils se sentiront bien, eux et le bébé. Ils vont de déception en déception. Ici, une famille abrutie de l’Amérique profonde ; là, des illuminés qui prétendent vivre une vie d’où conflits et séparations sont absents ; là encore, un couple qui semble mener une vie débordante de générosité mais est dévoré par la frustration de ne pas avoir pu mettre au monde un enfant. Revenus dans leur maison, Burt et Verona la voient avec un autre regard et se disent qu’ils peuvent y être heureux.

Il y a des moments forts dans le film. Dans un hall d’exposition, Verona et sa sœur se glissent dans une baignoire dos à dos ; la sœur de Verona fait mine de lui appliquer un shampooing et elles évoquent des souvenirs d’enfance. Burt et Verona offrent au couple d’illuminés une poussette pour leur petit garçon ; la femme rejette ce cadeau : « j’aime trop mon enfant pour le pousser, pour le repousser devant moi ! » ; il s’ensuit une scène désopilante : Burt transforme la poussette en bolide et le petit garçon en pilote dans le salon de leurs hôtes scandalisés, transformé en circuit de Formule 1. Couchés sur un trampoline au soir couchant, Burt tente d’arracher à Verona la promesse qu’elle l’épousera. Celle-ci s’y refuse, mais ils échangent des promesses vraies ou saugrenues dans lesquelles se scelle un amour qui résistera au temps.

(Photo du film Away we go)

Une seconde naissance

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 Vingt trois ans après que Rom Houben fût déclaré en état de coma végétatif à la suite d’un accident de voiture, un médecin vient de découvrir qu’il était conscient mais empêché de communiquer par le locked-in syndrom.

J’avais été bouleversé par le livre Jean Dominique Bauby, le Scaphandre et le Papillon, dont Julian Schnabel a tiré un film en 2007. Du jour en lendemain, le rédacteur en chef du magazine Elle s’était retrouvé conscient, mais enfermé dans son propre corps par la paralysie de la presque totalité de ses muscles volontaires. A force de volonté, il avait finit par dicter ses mémoires lettre par lettre en cliquant de l’œil à l’énoncé d’un alphabet.

Le cas du jeune Belge Rom Houben, relaté par l’édition du 25 novembre du quotidien anglais The Guardian, est encore plus terrifiant. Bien que ses proches n’aient jamais cru qu’il fût inconscient, il fut diagnostiqué en état de coma végétatif. Pendant vingt trois ans il fut conscient de tout ce qui lui arrivait, y compris de la mort de son père, mais ne put rien partager.

La délivrance vint d’une émission de télévision française sur le locked-in sydrom, qui permit à la sœur de Rom de contacter un spécialiste de l’aide aux paralysés par la médiation de l’ordinateur. Celui-ci repère que Rom bougeait son pied droit. Il mit la souris sous le pied droit et criait : « pousse Rom, Pousse Rom, pousse ». Et il poussa. L’ordinateur dit « je suis Rom ».

Quelques mois plus tard, le Professeur Laureys, de l’Université de Liège, examina Rom avec un scanner perfectionné. Il découvrit que son cerveau était en parfait état de fonctionnement, vingt trois ans après que le garçon eût reçu un diagnostic erroné.

Utilisant un clavier spécial pour l’ordinateur installé à côté de son fauteuil roulant et avec l’aide constante de thérapeutes de la parole et du corps, Rom est maintenant capable de communiquer des choses complexes. « J’étais seulement une conscience et rien d’autre », dit-il à ses médecins. « Je n’oublierai jamais le jour où ils m’ont découvert. C’était ma seconde naissance. »

Le Professeur Laureys pense que 40% des comateux font l’objet d’un diagnostic erroné : les patients sont conscients mais emmurés vivants par le locked-in syndrom. Savoir que tant de personnes vivent un enfer fait frémir. Savoir qu’il existe maintenant un moyen de les diagnostiquer représente un grand espoir.

(Photo du film « Le Scaphandre et le Papillon »)