EuropeGrande BretagnePolitique21 juillet 20160Brexit : l’après-vente

La désertion des plus ardents défenseurs du Brexit illustre la grande difficulté à remplir leur promesse : placer le Royaume Uni en meilleure position en dehors de l’Union Européenne que dedans.

Dans les jours qui ont suivi le référendum sur le Brexit, Boris Johnson a renoncé à briguer la succession de David Cameron ; Nigel Farage a démissionné de son poste de dirigeant de l’UKIP. Leur désertion a souligné l’impréparation des partisans du « Leave » et l’immensité de la tâche à accomplir.

La nouvelle première ministre britannique Theresa May a écarté l’organisation d’un second référendum, réclamée une pétition signée par plus de 4,1 millions de citoyens : « Je ne saurais être plus claire : il n’y aura pas de tentative pour rester au sein de l’UE. Brexit veut dire Brexit. Nous allons en faire un succès. »

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Caricature de Michael Gove, partisan du Brexit, par Steve Bell pour The Guardian

 Quel modèle pour les nouvelles relations avec l’Union Européenne ?

J’ai déjà souligné dans « transhumances » l’intérêt du « Monday Briefing » de Ian Stewart, l’économiste en chef de Deloitte and Touch, auquel on peut s’abonner gratuitement. Depuis des mois, Stewart analyse les conséquences possibles du Brexit et les stratégies que le Royaume Uni peut mettre en œuvre. Dans un récent article, il passait en revue les modèles dont les négociateurs britanniques pourraient s’inspirer dans les discussions qui vont s’ouvrir avec l’Union Européenne.

Comme la Norvège ou l’Islande, la Grande Bretagne pourrait adhérer à l’Espace Économique Européen. Elle aurait accès au marché unique des biens et des services et pourrait négocier des accords commerciaux avec des pays tiers. Mais elle devrait accepter toutes les règles européennes en matière de protection du consommateur, de travail, d’environnement et de concurrence, sans pouvoir influer sur leur rédaction. Elle continuerait à verser une contribution au budget de l’Union, bien que d’un montant plus faible qu’actuellement. Elle continuerait à appliquer les règles d’origine, c’est-à-dire le contrôle des biens importés de pays tiers et réexportés vers un pays de l’Union. Enfin, elle devrait respecter la libre circulation des personnes ; or, bloquer l’immigration de membres de l’Union a été l’argument majeur des partisans du « Leave ».

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Boris Johnson

La Suisse est, vis-à-vis de l’Union Européenne, dans une situation comparable à celle des pays de l’Espace Économique Européen. Elle est moins contrainte par les règlementations sociales et du travail. Mais elle est tenue de respecter la libre circulation des personnes, ce qui reste un point de litige avec l’Union à la suite du référendum suisse de 2014 restreignant l’immigration. Autre point négatif : elle ne bénéficie pas de la libre circulation des services financiers et ses établissements bancaires s’établissant dans des pays de l’Union doivent y ouvrir une succursale. Ce trait négatif peut avoir un impact négatif sur la City : le tiers des exportations britanniques vers l’Union sont des services.

La tentation canadienne

Les partisans du Leave ont souvent indiqué qu’ils rêvaient pour la Grande Bretagne d’une position semblable à celle du Canada. Mais les droits de douane sur les exportations canadiennes vers l’Union sont en moyenne de 2,3% et atteignent 20 à 30% pour les produits agricoles et 10% pour l’automobile. Ces dernières années, plusieurs constructeurs automobiles internationaux ont investi en Grande Bretagne, considérée comme une porte d’accès au marché commun. L’imposition de droits de douane peut remettre en cause leur stratégie, à moins que les négociations sur le Traité commercial transatlantique aboutissent à une forte réduction.

On le voit, la promesse d’une amélioration immédiate de la situation de la Grande Bretagne si elle quittait l’Union Européenne était fallacieuse. La négociation de nouvelles relations avec l’Union s’annonce difficile, en raison des pesanteurs de la prise de décision dans l’Union qui laisse peu de place au compromis, et aussi parce que les dirigeants de l’Union voudront prouver à leurs opinions publiques qu’en sortir est dommageable.

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Nigel Farage

Les Britanniques peuvent surprendre

Ceci dit, la capacité d’adaptation et de réaction des Britanniques peut encore une fois nous surprendre. La rapidité du passage de pouvoir entre Cameron et May l’illustre. Dès à présent, le Chancelier de l’Échiquier George Osborne annonçait son intention de faire de la Grande Bretagne une économie super-compétitive, focalisée sur les marchés mondiaux. Et le ministre de l’industrie Sajid Javid est déjà en discussion avec l’Inde sur un nouveau partenariat, après le Brexit.

Le peuple britannique a pu être abusé par les énormes mensonges de politiciens irresponsables, mais il s’est prononcé clairement pour le divorce d’avec l’Union Européenne. Il ne sera pas facile pour Theresa May et son équipe d’interpréter sa volonté et de la transformer en stratégie. Les difficultés à venir sont considérables. Mais la classe politique britannique n’a pas le choix ; il lui faut aller de l’avant.

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Theresa May

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