M6 a récemment diffusé « Enquête à Gaza, des vies en enfer », reportage de Martine Laroche Joubert et Shrouq Aila, présenté par Bernard de la Villardière.
Les journalistes internationaux ne peuvent exercer leur métier à Gaza. Les massacres perpétrés à Gaza ont causé jusqu’à aujourd’hui près de 41 000 morts, plus de 80 000 blessés, dont 12 000 enfants. Mais ils se diluent dans une statistique, n’ont pas de nom ni de visage. C’est pourquoi le documentaire de M6, diffusé à une heure tardive un dimanche soir, est important : il restitue leur humanité aux Gazaouis qui se débrouillent pour survivre un jour après l’autre.
Ne pouvant se rendre sur place, Martine Laroche Joubert a demandé à des journalistes palestiniens et à des travailleurs humanitaires de filmer et de recueillir des témoignages. La coautrice du film est Shrouq Aila que l’on voit, dans le film, couverte du voile réglementaire, surmonté d’une casquette qui lui donne l’air d’une combattante.
Et de fait, Shouq est une combattante. Son mari, Roshdi Sarraj, avait fondé Ain Media, une société de production. Il est mort sous ses yeux, au petit déjeuner dans leur maison au nord de Gaza, sous une bombe israélienne en novembre 2022. Âgée de 29 ans, Shouq élève seule leur petite fille. Elle a pris la responsabilité d’Ain Media. Son mari et elle étaient en Arabie Saoudite lors de l’attaque du 7 octobre et étaient revenus à Gaza couvrir les événements.
D’’autres héros sont présentés dans ce film, en particulier des médecins travaillant dans des hôpitaux, y compris des maternités, dans le plus grand dénuement. Les hôpitaux n’ont rien de sanctuaires : soupçonnés de cacher des quartiers généraux du Hamas, ils sont fréquemment pris pour cible par les bombardements.
Un homme construit vaille que vaille une tente avec des matériaux de fortune . Il a déjà dû fuir plusieurs fois. Une femme cuisine sur un feu de bois : il n’y a plus de gaz depuis longtemps. Dans un hôpital, des tentes ont été dressées dans les couloirs, protégeant tant bien que mal l’intimité de leurs habitants. Partout, des immeubles éventrés : 39 millions de tonnes de débris et de gravats.
Des camions d’aide humanitaire entrent dans Gaza au compte-gouttes. Certains sont pillés à leur arrivée dans le territoire, comme le montrent des images de drones. Il se murmure aussi que le Hamas vendrait une partie de ces approvisionnements à des commerçants.
Du côté israélien de la frontière, massés le long du grillage et équipés de mégaphones, des dizaines de proches d’otages enlevés le 7 octobre donnent de la voix pour leur dire qu’ils pensent à eux, qu’ils ne les abandonneront pas.
Le reportage ne cache pas que le Hamas est une organisation religieuse fanatique, coupable d’actes de terrorisme et de terroriser sa propre population. Mais on sent bien que chaque jour qui passe, fait de bombardements, de faim, d’épidémies crée un fossé de haine qu’il sera difficile – impossible ? – de combler.
Ouvrir les yeux, franchir le huis-clos imposé par l’occupant, est douloureux mais nécessaire. Laissons le mot de la fin à Shrouq Aila : « chaque jour est une lutte pour la survie, et nous perdons sans cesse quelqu’un de cher, quelqu’un qui représente le monde pour quelqu’un d’autre. Être constamment attaqué ne vous laisse aucune marge de manœuvre pour gérer votre perte et vos émotions. »