Théâtre25 février 20140L’ombre de ce que nous avons été

Le Glob’ Théâtre de Bordeaux a récemment programmé une pièce de Nadine Perez, « l’ombre de ce que nous avons été », d’après un roman du Chilien Luís Sepúlveda.

 Il est difficile d’imaginer salle plus inconfortable que le Studio du Glob’ Théâtre, entre le quartier des Chartrons et les Bassins à Flot à Bordeaux. Les habitués prennent d’assaut les quelques fauteuils ; les autres sont réduits à s’assoir sur d’étroites planches de bois nu sans dossier. Peut-être fallait-il cela pour apprécier pleinement la pièce de Nadine Perez dans son inconfort.

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Quarante ans après le coup d’Etat de Pinochet de septembre 1971, trois anciens militants de gauche, emprisonnés, torturés et exilés par le régime militaire, se retrouvent dans un garage pour participer à une action. Il s’agit de retrouver des documents compromettants sur l’implication de personnalités de l’Establishment chilien actuel dans des actions de spoliation de persécutés par la dictature.

 Ils évoquent leur passé, l’agitation révolutionnaire sous Allende, le comportement ignoble de l’armée chilienne dans la répression, l’exil infernal dans la Roumanie des Ceaucescu, la nostalgie d’un Berlin romantique, le dur retour au pays sans métier ni moyen d’existence.

  L’avant 1973 n’est pas enjolivé. L’un des personnages raconte comment, responsable d’une usine de production de poulets occupée par ses ouvriers, il dut gérer l’interruption des livraisons d’aliments, en raison de l’occupation et de l’arrêt de l’usine qui les produisait. De retour au Chili, malgré son allergie pour la volaille, il s’est spécialisé dans la vente de poulets rôtis à la broche 24 h sur 24 ! La période d’Allende porte l’ombre de puissants rêves collectifs mais aussi d’un irréalisme et d’un sectarisme chroniques qui firent le lit de la dictature. Mais pour ces hommes qui frôlent la soixantaine, ce moment historique diffuse une lumière qui découpe l’ombre de ce qu’ils ont été et les maintient en vie.

 Nadine Perez a adapté et mis en scène le roman de Sepúlveda. C’est elle qui  joue la demi-douzaine de personnages de la pièce. Elle a créé en 1987 la compagnie Burloco (du mot français « burlesque » et du mot espagnol « loco », fou), qui « aime le spectacle complet où corps, voix, chant, musique, jeu théâtral et parfois danse se mélangent. »

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