Théâtre5 septembre 20120The Illusion

 

The Illusion

Le Southwark Playhouse donne jusqu’au 8 septembre « The Illusion », une adaptation par l’Américain Tony Krushner de L’illusion Comique de Pierre Corneille (1636).

 La pièce se déroule dans la grotte où officie la sorcière Alcandre. On ne peut rêver de site plus adapté que le Southwark Playhouse. Celui-ci occupe des voûtes situées sous la gare de London Bridge, construites en briques rouges que le temps a chargées de mousse et de crasse. De temps à autres les acteurs doivent forcer la voix pour soutenir la concurrence des trains.

 Alcandre reçoit la visite de Prédamant, un avocat qui s’est fâché depuis quinze ans avec son fils Cindor. Il a essayé de retrouver sa trace, sans résultat. C’est en désespoir de cause qu’il recourt aux services de la sorcière. Et voici que celle-ci lui fait apparaître des scènes de la vie de son fils, réduit à servir un maître fanfaron, tentant de séduire la jeune fille que celui-ci convoite, assassinant un prétendant, condamné à mort, sauvé par la belle, l’épousant, la trahissant et finalement tué à son tour. Prédamant est spectateur des visions que génère la sorcière, mais reste impuissant face à ce qu’il voit, et il sent monter en lui l’amour qu’il a dénié à son fils. A un seul moment les deux mondes, celui de la caverne et celui des visions, communique : Cindor emprisonné reconnait son père et tente de l’appeler.

 Récrite par Krushner, la pièce de Corneille est étonnamment moderne. Un psychanalyste y trouverait ample matière à son enseignement : le père découvre dans les visions d’Alcandre le fils qu’il a perdu ; la grotte de la sorcière sert de matrice d’où nait un nouveau Prédamant.  Mais on peut aussi une allégorie de la production d’images dont notre époque est boulimique. A la fin de la pièce, Alcandre révèle à Prédamant qu’il a en réalité assisté à une succession de théâtre et que Cindor est devenu un acteur de renom. Corneille avait fait de l’Illusion Comique un hommage au théâtre ; c’est à une réflexion sur la liberté que les images prennent à l’égard le monde réel que nous invite Krushner.

 La plupart des acteurs sont des nouveaux diplômés du RADA, et le metteur en scène, Seb Harcombe, est leur professeur. Je dois de nouveau cette soirée à mon amie Bridget. Un acteur m’a semblé exceptionnel : Daniel Eston, qui joue différents rôles, et notamment celui du bouffon de la sorcière, un personnage créé par Krushner et absent de Corneille.

 On passe avec The Illusion une excellente soirée de théâtre.

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