Destins17 juin 20235Bonheur

La participation au mariage d’un filleul m’a procuré un bonheur intense, chargé de décennies d’émotions partagées.

 Ils approchent de la quarantaine. Ils se sont connus il y a dix ans par un réseau social. Dès leur première conversation téléphonique, elle s’est découverte envoûtée par sa voix chaleureuse et placide. Il a été séduit par son énergie communicative.

 Depuis plusieurs années, ils avaient envie de célébrer leur amour, de le proclamer à leurs familles et amis, de les prendre à témoin de leur promesse de fidélité jusqu’à la fin de leur vie. Pour cadre de leur mariage, ils ont choisi un domaine dans le Perche. En ce samedi de printemps, le temps est magnifique. La cérémonie laïque se déroule sous un chêne majestueux, avec des poèmes et des chansons. Leurs deux petites filles participent attentives à l’échange des consentements et des alliances de leurs parents.

Les parents du marié sont nos amis depuis un demi-siècle. Ils ont convié deux autres couples avec qui nous partageons depuis des années une communauté de destin. J’éprouve un puissant sentiment de bonheur.

 Ce sentiment ne se résume pas à la joie de se retrouver, au plaisir de mener pour quelques heures la vie de château, à l’enivrement par le champagne et la conversation. Il est plus profond. Il résulte de l’entremêlement, ici et maintenant, de vies charriées pendant des années comme les pierres d’un torrent, avec leurs succès et leurs échecs, les hauts et les bas, les satisfactions et les préoccupations.

 Ce bonheur est fait de soucis de santé endurés et surmontés, d’engagements professionnels ou bénévoles, de pays visités ou habités, d’enfantements, de séparations, de rencontres, de croyances et d’incroyances.

 Il est aussi pétri par le partage des interrogations du moment, l’avenir d’un enfant lourdement handicapé parvenu au mitan de sa vie d’adulte, la guerre et le climat, le processus glacial du vieillissement. En cette journée de fête, nous sentons charnellement, dans nos artères et nos poumons, que nous ne sommes pas seuls. C’est cela qui nous rend heureux.