Cinéma27 octobre 20240Ma vie Ma gueule

« Ma vie Ma gueule » peut être considéré comme le film-testament de Sophie Fillières, décédée il y a un an à l’âge de 58 ans, peu après la fin du tournage. Elle avait demandé à ses enfants, Agathe et Adam Bonitzer, de superviser le montage et la diffusion.

Le texte de présentation du film indique de quoi il s’agit. « Barberie Bichette, qu’on appelle à son grand dam Barbie, a peut-être été belle, peut-être été aimée, peut-être été une bonne mère pour ses enfants, une collègue fiable, une grande amoureuse, oui peut-être… Aujourd’hui, c’est noir, c’est violent, c’est absurde et ça la terrifie : elle a 55 ans (autant dire 60 et bientôt plus !). C’était fatal mais comment faire avec soi-même, avec la mort, avec la vie en somme… »

Barberie (Agnès Jaoui) est totalement désajustée. Elle est séparée, mais refusera de le déclarer si un jour elle est recensée, ce qui n’arrivera jamais. Elle choisit de prendre un café sur une table haute, tout en avouant qu’elle a horreur de se trouver comme sur un présentoir. Un homme sort d’un ascenseur et y revient précipitamment : vous avez tiré la chasse ? lui demande-t-elle.

 

Barberie pose des questions personnelles à son psychiatre (Marc Strauss), qui évidemment ne lui répond pas. Dans la clinique où elle est hospitalisée, elle appelle médecins et infirmières « Fanfan ». Elle ne cesse de proposer de l’argent à ses enfants Rose (Angelina Woreth) et Junior (Édouard Sulpice), alors qu’ils attendent d’elle simplement qu’elle soit présente, et non perdue dans son monde. Et elle est vraiment perdue. Quand un homme de son âge, Bertrand Blanc (Laurent Capelluto) lui rappelle des souvenirs d’enfance, elle ne se souvient plus de lui.

Il lui faut partir, trouver son mètre-carré à elle quelque part dans le monde. En Écosse, sur une lande désolée, un homme (Philippe Katerine), joue de la guitare et chante une chanson rien que pour elle… Partir, comme la cinéaste elle-même dans les dernières semaines de sa vie.

Les critiques ont aimé ce film : « un miracle de poésie tragicomique », « le comique du désespoir ». Sur Allociné, ils l’ont noté 3,9 sur 5 contre 2,6 pour le public. Beaucoup de spectateurs auront été découragés par ce sentiment de désajustement qui  parcourt le film. C’est pourtant ce qui en fait la force. Je partage souvent l’avis du public contre les critiques. Cette fois, je me range à leurs côtés. Ce film est fort, et Agnès Jaoui est toute en sensibilité.

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